Thonet de A à Z

  Introduction : La Quantité par la Qualité

AU BON USAGE THONET

Une grande époque a commencé, animée d'un Esprit Nouveau, un esprit de construction et de synthèse, conduit par une conception claire. C'est en 1920 le slogan qui animait les mouvements modernistes fonctionnalistes et puristes: rejeter le passé, donner des formes et attitudes nouvelles dans tous les domaines de la création humaine.
Et pourtant, à ce moment, Le Corbusier, à l'avant-garde de ces mouvements ressort de l'oubli les chaises du 19e siècle de Michael Thonet: Par l'élégance de la conception, la pureté de l'exécution et l'efficacité de l'utilisation, on n'a jamais rien fait de mieux.
Pendant toute sa vie, Le Corbusier dessine et meuble les intérieurs de ses édifices, uniquement avec du Thonet. A tel point que certains s'imaginent qu'il en est le créateur!
Depuis, le monde a changé de visage, mais la grande époque de conception claire ne s'est jamais réalisée. Au contraire, l'environnement de l'homme a été défiguré, déforme et trahi. Les critères quantitatifs imprègnent les immenses réalisations au détriment de la qualité.
la production massive de meubles courants d'une platitude effarante, inonde le marche. Par réaction, les meubles du passé se revalorisent. Antiquaires et marchands de copies en profitent, exploitant la crédulité des gens.
Dans cette confusion, les meubles en bois courbe Thonet, qui n'ont jamais cesse d'être fabriques, sont de plus en plus recherches et utilisés. C'est un exemple unique de continuité et de persistance. Ce livre a pour but de démontrer qu'il est possible de produire en grand nombre tout en sauvegardant la qualité. Qualité: Association de l'art, de la technique, de l'utilisation et du prix de revient, problème de notre temps.

  La grande époque de Michael Thonet, 1840-1870: son histoire et son oeuvre

AU BON USAGE THONET

Par son génie, Michael Thonet a transformé la conception de l'ameublement de son temps, celui d'une bourgeoisie à la recherche de son identité.
Cet ébéniste inventeur a provoqué évolution d'attitudes, de comportements humains, tout simplement en permettant au 19e siècle de s'asseoir sur une chaise autrement que par le passé. Une chaise qui, par sa forme utile, allait s'adapter aux réalités de cette époque où pointait le progrès.
Réagissant contre le meuble massif, il a su entrevoir les avantages pratiques de la finesse et de la légèreté, tout en répondant au besoin fondamental du confort.
Michael Thonet est né le 21 Juillet 1796 à Boppard en Allemagne. A 20 ans, il crée une petite entreprise de fabrication de meubles. En 1830, il entreprend la première expérimentation sur les assemblages des éléments de meubles et sur la possibilité de courbure du bois. La réputation de M. Thonet commence à s'affirmer grâce â l'originalité et à la qualité de ses fabrications. En 1841, il fait un emprunt malheureux, en vue de déposer ses brevets d'invention en France, en Angleterre et en Belgique. Opération qui va influencer sa destinée. La même année, lors d'une exposition à Coblence, où il présente ses chaises et autres réalisations en bois courbé, il a la chance de rencontrer le Chancelier d'Autriche, Metternich qui, impressionné par la nouveauté et l'intérêt de ses productions, l'invite à Vienne, lui promettant un grand avenir.
En 1842, il laisse la direction de son entreprise qui occupe une vingtaine d'ouvriers, à son fils aîné Franz, et il part pour Vienne. Il présente avec succès quelques unes de ses nouveautés à l'Empereur François-Joseph. Le Gouvernement Autrichien lui accorde alors le privilège de travailler toutes sortes de bois en courbe par un procédé chimique ou mécanique. Pendant ce temps, c'est le drame à Boppard. Aucun brevet n'ayant été vendu, ses créanciers confisquent l'entreprise ainsi que tous les biens de la famille. Ruiné en Allemagne, M. THONET fait venir ses enfants à Vienne. Il commence à travailler pour le compte d'un fabriquant de meubles "bon marché- nommé Franz List dont il retiendra les méthodes économiques de production. Là, il fait la connaissance de l'architecte anglais Ph. Desvignes qui est chargé de la rénovation du Palais Liechtenstein. Sur les recommandations de ce dernier auprès de l'entrepreneur Carl Leistler, Thonet et ses fils se voient confiés la fabrication de meubles et parquets du palais "avec toutes sortes de bois courbé ".

En 1849, Thonet propose une association à Leistler qui refuse. Il rompt alors le contrat et, pour la deuxième fois crée sa propre entreprise, après avoir décliné l'invitation de Desvignes qui voulait le faire travailler en Angleterre. Ses meubles commencent à avoir une certaine notoriété. La propriétaire d'un célèbre café à Vienne, Madame Daum, meuble son établissement avec sa chaise No4. C'est une grande référence, les commandes se succèdent. Il s'oriente alors vers l'industrialisation. La chaise No4 -Daum, va être son premier modèle de série. A partir de 1850, l'extension des communications développe l'information, les contacts et les idées dévorées de libéralisme.

THONET AU BON USAGE

Une nouvelle forme d'économie, dynamisée par le nombre, la compétence professionnelle et la spéculation bancaire, provoque l'accroissement des richesses. La révolution industrielle bat son plein, nous assistons à la croissance accélérée de la production dans tous les domaines. C'est le passage de l'artisanat à l'Industrie. Parmi les premiers, M. Thonet et ses fils ont franchi le pas.
En 1851, à l'Exposition Internationale de Londres, Thonet présente avec succès une série de ses derniers meubles et reçoit la médaille de bronze, sa renommée devient universelle.
L'année suivante, il ouvre à Vienne sa première filiale de vente.
En 1853, il développe ses installations en louant un ancien moulin à 175 Mollardgasse, avec logements et annexes, et y installe sa première machine à vapeur. 43 ouvriers travaillent dans l'entreprise, c'est alors qu'il transmet son affaire à ses cinq fils: Franz, Michael, August, Josef, Jacob; probablement pour se mettre à l'abri de ses anciens créanciers. La firme Thonet Frères est créée.

  THONET Frères

THONET AU BON USAGE

En réalité, il continuera à la diriger jusqu'à sa mort et à prendre toutes les décisions importantes avec l'accord de ses enfants et le respect de ses ouvriers.
Sa participation aux expositions internationales, notamment Munich en 1854, Paris en 1855, contribuera à développer ses marchés et à les étendre jusqu'à l'Amérique latine. les impératifs de la production croissante, nécessitant une transformation complète de l'entreprise, M. Thonet entreprend de l'agrandir en adoptant des méthodes d'organisation rationnelles peu répandues à cette époque. En un premier temps, il décide de rapprocher son lieu de production des sites d'approvisionnement en matière première où il pourra trouver une main d'oeuvre nombreuse et bon marché. Son choix se porte sur le domaine de Koritschan en Moravie, à proximité des forêts de hêtres dont il a besoin. Il quitte la capitale autrichienne, accompagné de Michael et d'August, laissant à ses autres fils la direction de l'usine de Vienne, qu'il fermera l'année suivante pour concentrer toutes ses activités dans ses nouvelles installations.
Là, il s'engage avec passion dans un travail profond de recherche et de création, passant sans relâche de sa table à dessin à son établi.
En 1859, naît la fameuse chaise No14 avec une assise entièrement ronde dont la production atteindra plusieurs millions d'exemplaires.
En 1860, Thonet conçoit son chef d'oeuvre, le premier rocking-chair (N° 1), ancêtre de tous les fauteuils à bascule qui ont pénétré dans les intérieurs bourgeois du monde entier.
L'usine occupe maintenant 300 ouvriers et produit 200 meubles par jour. Mais ce n'est pas suffisant pour faire face à la demande.
M. Thonet met en route la deuxième phase de son développement, essentiellement axée sur le principe de planification et de rationalisation. Son but est toujours le même: industrialisation, production en série, réduction de prix en maintenant la qualité.
Il crée en 1861, une nouvelle usine à Bistritz, au coeur des sites forestiers de Moravie où il produit en véritable série, sa chaise No14, concentrant la fabrication de ses autres meubles à Korischan. Il va encore diversifier la division du travail en dotant Bistritz de filiales spécialisées dans le cannage, le polissage, le vernissage et l'emballage qui seront confiés à des paysans de la région durant les périodes creuses.
En moins de cinq ans, le développement sans précèdent de la production, va à nouveau provoquer une pénurie de matières premières.
M. Thonet achète alors tout un domaine forestier à Nagy Ugrocz (Hongrie) et y construit une troisième usine qu'il spécialisera dans le coupage et le courbage du bois, transformant Korischan et Bistritz en installations de montage des éléments prétravaillés.
Jusqu'à sa mort, il construira encore trois usines: à Hallenkau et à Wsetin (Moravie). à Nowo-Radomsk (Pologne Russe).
Sur le plan commercial, M. Thonet fait encore figure de précurseur, en introduisant la dynamique du -marketing sur le marché. Non seulement au siège de Vienne, mais dans ses filiales créées à Budapest, Brunn, Berlin, Hambourg, Amsterdam, Bruxelles. Paris, Londres et New York.
Mais depuis 1862, son irrésistible ascension est assombrie par la mort de sa femme Anna, compagne et conseillère durant 42 ans. Elle lui avait donné 14 enfants dont 7 périrent en bas âge. Très éprouvé, il n'en poursuivra pas moins avec un acharnement renforcé, l'oeuvre entreprise dans tous les domaines de la création, de l'invention et du développement.
Le 3 Mars 1871, Michael Thonet meurt en pleine gloire, entouré par ses enfants.
Homme exceptionnel, carrière exceptionnelle.
Quels furent les -moments étoilés- de Michael Thonet?
Il est né au bon moment, réunissant les conditions favorables, dans un siècle qui avait besoin de lui et auquel il a apporté son génie.
Il a eu la chance avec lui. Sa rencontre avec Metternich lui a ouvert la porte; sa faillite l'a conduit vers des horizons plus ambitieux; Franz List, le fabriquant de meubles " bon marché ", lui a fait découvrir la science économique; l'architecte Ph. Desvignes lui a permis de s'affirmer.
Homme de qualité, création de qualité. Association de l'art et de la technique, alliance du spirituel et du matériel.

THONET

Un artiste-créateur; élégance formelle de ses conceptions, originalité, finesse, confort, utilité, adaptation au goût et à la mode de son époque, sans en être pour autant prisonnier. Un inventeur -constructeur: la découverte de la courbure du bois, la création de machines. 

Thonet chaise 14
On lui doit aussi une préscience de l'organisation rationnelle des méthodes de production industrielle pour la série, les grandes quantités.
C'est la première fois qu'on assiste à des recherches constantes d'économie de temps de travail et de matière premières, de simplification des assemblages par la création et l'utilisation généralisées de pièces interchangeables montées par vis ou boulons, de normalisation de l'emballage (maximum de pièces dans un minimum de volume), de spécialisation par la division du travail (répartition des différents cycles de production dans les usines: découpage, courbage, assemblage).
Cinquante années plus tard, Henri Ford n'a rien inventé!
Les catalogues commerciaux sont les sources les plus sûres de l'histoire de l'industrie des meubles en bois courbé. Très peu d'autres documents existent pour décrire avec sûreté la fantastique aventure de M. Thonet et de ses héritiers.

  Les héritiers : ses fils et les concurrents

Tels les cinq frères Rotschild qui vont régner sur l'empire de la banque, les cinq frères Thonet vont dominer le marché mondial du meuble.
Mais, dès le début, ils se heurtent à une farouche concurrence. Les brevets étant expirés en 1869, de nouvelles firmes de fabrication de meubles apparaissent: J.&J. Kohn, Fischel, Mundus, Eissler parmi les plus importantes.
Ces nouveaux venus se contentent en premier temps, de copier purement et simplement les meubles Thonet.
A tel point qu'il est pratiquement impossible de les différencier: une contrefaçon déloyale et abusive.
Plus tard, les concurrents créent aussi de nouveaux modèles, généralement d'un goût douteux, détériorant et déformant la pureté conceptionnelle de l'oeuvre de Thonet.
Vers la fin du siècle, les goûts, la mode, les aspirations de la bourgeoisie changent. La société se hiérarchise suivant le niveau social et la situation matérielle, creusant les écarts entre le banquier et le boutiquier.
Les grands bourgeois s'identifient aux aristocrates, cherchent à les imiter et veulent posséder un intérieur semblable à celui de la noblesse. Ils réclament des meubles de style.
D'autre part, avec l'apparition du nationalisme, un certain nombre de gens s'entiche de meubles rustiques, régionaux et paysans.
L'influence de l'exotisme, issu du colonialisme, donne naissance à la mode du bambou, du rotin et autres "chinoiseries".

Enfin des bourgeois -importants. qui ne souffrent pas d'être assimilés à la masse, affectent un souverain mépris pour le meuble de série. Ils recherchent la personnalisation et rejetant les styles, veulent être meublés -sur mesure. par des grands noms.
C'est la naissance du -vedettariat-. En effet, un siècle nouveau, le vingtième, demande un -Art Nouveau.. D'où l'apparition de 1895 à 1905, de cette étoile filante que fut le Jugendstil, Il affectera la littérature, la musique. les arts plastiques, l'architecture et naturellement le meuble.
En Autriche, Otto Wagner en tête, Josef Hoffmann, Kolo Moser, Adolf Loss et bien d'autres, créent des modèles pour meubler leurs réalisations architecturales.
Certains de ces meubles sont fabriqués au début par J.&J. Kohn sous la direction artistique de Gustav Siegel.
Plus tard, Thonet Frères et autres fabriquent suivant le mouvement, soit en copiant à leur tour, soit en s'inspirant des modèles crées par les nouveaux designers.
C'est une nouvelle famille de meubles viennois d'une valeur indiscutable, mais très différente de ceux du passé: un renouveau de qualité mais une décadence de l'esprit d'origine; un divorce entre la création et la fabrication. Celui qui conçoit n'est pas le même que celui qui produit. Michael Thonet n'est plus là!
Les années passent, le succès commercial est énorme, mais la concurrence aussi. La production de meubles s'oriente vers la satisfaction des goûts les plus faciles de la clientèle. Elle se voit proposer un nombre invraisemblable de modèles dans lesquels sont noyés les vieilles créations de M. Thonet. On fait n'importe quoi à condition de vendre. Le dernier catalogue Thonet (1911-1915) avant la fin de la première guerre mondiale, illustre cet
état de choses. C'est le plus volumineux, y figurent environ 1500 modèles, pour tours les goûts et tous les usages.
Par contre, le bilan est impressionnant. En 1910, 52 firmes produisent les meubles en bois courbé avec 32000 ouvriers et une exportation annuelle de 22 OOO tonnes de meubles. Mais la défaite des Empires centraux le démembrement de l'Autriche-Hongrie anéantissent l'immense entreprise,
Les usines Thonet, isolées dans les nouveaux États d'Europe Centrale, se relèvent et acquièrent leur autonomie dans le cadre d'une organisation de type holding. Thonet Frères s'associe avec ses ex-concurrents Kohn et Mundus. Mais la production reprise sous le signe de la simplicité et de l'économie reste limitée et fade. Toutefois, à partir de 1925, les mouvements puristes de l'architecture moderne redonnent une nouvelle impulsion à la créativité et au développement.

La firme rénovée s'adresse encore une fois aux grandes vedettes: Le Corbusier, Mies Van der Rohe, Breuer, Stam. Lorenz. Azema et d'autres pour créer des modèles Thonet en tube métallique courbé.
Ces meubles correspondent à la conception même de l'architecture du moment qui rejette le superflus et l'inutile, ne retenant que le fonctionnel,
Cette production sera interrompue par la deuxième guerre mondiale. Défaite du Ille Reich, Nouvelle chute et nouvelle reprise en 1945. Nouveau visage aussi des entreprises Thonet. nationalisées à l'Est, indépendantes à l'Ouest, qui poursuivent leur route en s'adaptant aux conditions nouvelles et dont l'Histoire retiendra le nom.


       Dès l'expiration des brevets de M. Thonet en 1869, de nombreuses entreprises concurrentes apparaissent en Autriche et dans d'autres pays.
La plus importante est celle de J.&J. Kohn qui ne se contente pas d'imiter les modèles Thonet, mais en crée de nouveaux, qui, dans certains cas, sont de qualité supérieure.
Vers 1900, quand G. Siegel, devient le Directeur Artistique, la Société Kohn fabrique pour la première fois des meubles en bois courbés de "designers", attribués à Otto Wagner, J. Hoffmann, Kolo Moser et autres ... Pour les expositions universelles, elle présente ses meubles dans des pavillons entièrement de style "Art Nouveau" (Paris. Philadelphia, St. Louis, etc.).
Au point de vue technique, J.&J. Kohn introduit la section carrée aux angles vifs du bois courbé.
En 1904, 6300 ouvriers produisent dans 4 usines 5500 pièces de meubles par jour. (Meubles en bois courbés - Candilis)

KOHN
THONET AU BON USAGE

Bibliographie

Comment les dater ?

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